Peluche à lunettes

Chouette à lunettes juvénile (Pulsatrix perspicillata)

Je ne vous ferai pas le coup d’une introduction mystérieuse, du type « Nous avons rencontré un oiseau magnifique, rare… ». Pas de suspense, vous avez la photo devant les yeux. Je me contenterai donc de vous dévoiler simplement l’histoire de cette rencontre. Ou plutôt de ces rencontres…

Remontons quelques jours avant la prise de ce cliché. La fin du séjour approche, et je me lance dans une journée « exploration ». Je vous ai déjà parlé de notre layon favori, le PK38. Nous rebroussions chemin sensiblement au même endroit à chaque sortie (à peu prés ici), simplement car la pente devient ensuite beaucoup plus forte et surtout en plein soleil. Je décide donc ce jour là de pousser un peu plus loin, pour voir au moins une fois où débouche ce layon interminable. Me voilà donc partant seul, une bonne réserve d’eau dans le sac à dos. Après les quelques kilomètres habituels, j’entame donc une marche en terrain inconnu, carte et crayon à la main pour établir une ébauche de plan du layon (et accessoirement pour ne pas me perdre dans ce dédale au retour).

Après seulement quelques centaines de mètres, je m’immobilise, voyant une ombre passer sur ma droite. J’ai juste le temps d’apercevoir un grand oiseau s’envolant de son perchoir pour disparaitre dans la forêt. Détail qui a son importance, je note le silence total de son vol pesant, caractéristique des rapaces nocturnes. Il me semble aussi apercevoir une fraction de seconde un masque noir sur la face de l’animal. Rapace nocturne, de grande taille, face sombre : je pense instinctivement à un hibou des marais. L’animal parti, je ne peux étayer cette hypothèse, et je reprends donc ma marche. Mais à peine ais-je fais deux pas qu’un grand oiseau blanc passe juste au-dessus de ma tête, pour aller se poser à ma hauteur, de l’autre coté du chemin !

A moins de dix mètres de moi, j’ai ainsi la chance rare de pouvoir observer la progéniture du rapace que je viens de croiser. Habillé d’un superbe duvet blanc tranchant avec son masque noir, je remarque une tête bien ronde, sans aigrettes (plumes en « épi » au niveau des tympans), caractéristiques des chouettes (on les différencie ainsi des hiboux, possédant ces fameuses aigrettes). Et surtout une taille bien imposante pour un juvénile (une bonne quarantaine de centimètres). A peine ais-je le temps de me faire ces réflexions et de sortir fébrilement mon petit appareil photo que l’animal s’envole déjà pour disparaitre dans la végétation. Je n’ai eu le droit qu’à une seule photo, flou et à contre jour de l’animal, mais quelle rencontre ! Je reprends donc ma route, un peu déçu de ne pas avoir eu autre chose qu’un petit compact pour immortaliser cet animal particulièrement rare. Quoique, vu la route éreintante que j’ai eu à remonter par la suite, ce fut plutôt une bonne chose de voyager léger !

En fin d’après midi, je retrouve donc exténué Anaïs, que je fais un peu rager avec ma photo moche… Le lendemain, des séances photos nous appellent dans d’autres coins de forêt, nous forçant à délaisser un peu notre PK38 et cette chouette à lunettes. Pendant ce temps, le père d’Anaïs a lui aussi décidé de tenter l’exploration de ce layon épuisant et a aussi vu l’adulte, mais pas le petit. Avec l’aide de ma carte, nous nous rendons compte que ce fut sensiblement au même endroit. Déterminés, j’emmène donc Anaïs le jour suivant à cet endroit précis. Peu avant d’y arriver, nous commençons à ralentir le pas pour se faire plus discrets. En silence, nous nous approchons doucement de l’arbre qui, je suppose, porte le nid de cet oiseau. Et, exactement au même endroit que deux jours plus tôt, l’animal surgit du bois.

Nulle trace de l’adulte cette fois, seul le juvénile apparait pour aller se poser quelques mètres plus loin. Il ne nous laissera que quelques secondes, le temps d’indiquer à Anaïs l’endroit où il s’est posé et qu’elle fasse alors quelques clichés. Le voilà alors qui s’envole et disparait dans un virage du chemin. Ne perdant pas espoir, nous continuons le sentier avec précaution pour s’arrêter après le virage. Au bout de quelques secondes de recherches, nous tombons sur le jeune oiseau, perché dans les branches hautes d’un arbre en bordure de sentier. Il nous faudra dix bonnes minutes pour aller au plus près sans l’effrayer. Ensuite, il se contentera de nous suivre de ses yeux dorés tandis que nous tournons autour de lui, cherchant le meilleur angle. Quelque soit l’espèce, les rapaces nocturnes ont ainsi cette capacité si surprenante de ne pas quitter des yeux l’intrus sans bouger leur corps d’une seule plume, la tête étant capable de pivoter jusqu’à 270 degrés. Tandis que nous lui tournons donc autour, nous voyons sa tête pivoter régulièrement pour rester face à nous. Sur les quelques 200 clichés qu’Anaïs a pu faire de l’animal, quasiment aucune n’est donc de face ! Autant de photos, car l’oiseau mis en confiance n’a pas décollé de son perchoir, nous l’avons donc laissé sur place quand le soleil devint trop insupportable.

Parlons-en des photos. Toutes se ressemblent beaucoup, l’animal étant resté immobile sur sa branche (à part la tête bien sûr). Et, quelque soit l’angle, une lumière très forte filtrait à travers les feuilles (nous étions en plein début d’après-midi). Il fallait donc faire un choix : soit sous-exposer pour avoir un beau fond mais un animal très sombre et sans détails, soit au contraire sur-exposer pour mettre en valeur l’oiseau, mais aboutissant à un fond plus ou moins « cramé ». Evidemment, c’est ce second choix qui a été fait, Anaïs voulant de plus pouvoir distinguer nettement ces yeux dorés entourés de noir. De plus, l’oiseau était perché à une bonne hauteur, obligeant une légère contre-plongée, mais empêchant surtout une vue plus serrée, à cause de la distance nous séparant de lui. Le résultat est donc loin d’être parfait techniquement, mais largement compensé par un sujet si beau, et surtout si rare ! En effet, si voir cette espèce nocturne vivant principalement en forêt primaire est déjà une chance, surtout en plein jour ; pouvoir observer sa progéniture à quelques dizaines de mètres tient du miracle !

Comme quoi, une telle observation doublée d’une séance photo tient vraiment à peu de choses. Durant près d’un mois, nous nous étions arrêtés à de nombreuses reprises quelques centaines de mètres avant le lieu de repos de cette chouette. Aurions nous eu la chance de l’observer plus de trois fois, si nous avions repéré l’endroit au début de notre séjour ? Et ainsi, perfectionner ces photos ? Pas si sûr. Nous y sommes retournés une seule fois, le dernier jour de forêt (juste après avoir croisé le « magicien des couleurs » décrit hier), et nous n’avons vu ni le juvénile, ni l’adulte. Mais bon, on ne va pas non plus se plaindre !

Yann

3 Comments

  1. Marion 14 octobre 2009

    Vraiment intéressant de connaître l’envers du décors car on aurait pu imaginer que cette photo a été prise comme ça, en passant. On ne l’en apprécie que plus, malgré les pb techniques…

  2. Jma 16 octobre 2009

    Belle rencontre et belle image !

    Cdt,
    Jma

  3. fabien 3 novembre 2009

    quelle belle rencontre. bravo!

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