A l’affut!

Ermite (Phaetornis sp.)

Quoi de mieux pour terminer ce « Mois de la Guyane » que cette magnifique photo de colibri ? D’autant plus qu’il y a de quoi dire sur ce cliché, étant celui ayant demandé le plus de temps et de patience de la part de la photographe. Et surtout, il s’agit d’une première mondiale ! La seule photo prise en affut aquatico-naturiste fait en toile cirée. Intrigués ? Lisez la suite !

Des colibris, nous en avons vu en un mois. De toutes les formes et couleurs, parmi la trentaine d’espèces vivant en Guyane. Mais voilà, comment prendre en photo un oiseau si petit, si vif, se posant rarement et ne restant jamais plus de deux secondes immobile ? De plus, en forêt, de nombreuses espèces d’oiseaux mouches volent à plusieurs mètres de hauteur, apportant d’autres contraintes bien connues pour la photographe. Ainsi, la plupart des clichés donnaient quelque chose comme cela. Pas très concluant donc. Au départ, nous avons donc essayé une séance photo le matin au petit-déjeuner. En effet, le carbet où nous prenions nos repas le matin était entouré de bosquets à fleurs, attirant les colibris aux premières lueurs du jour. Certains individus faisaient aussi chaque matin le ménage dans les toiles d’araignées situées entre les poutres du carbet. Ainsi, régulièrement, nous prenions le petit déjeuner avec nos appareils photos sur les genoux, prêts à dégainer. Mais là encore, l’animal était souvent bien trop rapide pour nous, offrant des photos mal cadrées ou floues.

En prenant notre douche en fin d’après-midi, nous avions régulièrement été dérangés par un bourdonnement caractéristique de ces petits oiseaux. En réalité, un colibri venait régulièrement butiner des fleurs poussant à quelques mètres du carbet des douches. Pour bien comprendre la situation, il faut savoir que ce carbet est constitué de quelques poteaux en bois soutenant un toit où pendent des pommeaux de douche, agrémenté de rideaux de douche donnant sur la forêt. En effet, ce carbet fait réellement face à la forêt primaire, à deux mètres à peine. Nous avons parfois vu en prenant notre douche des tamarins, ou encore une grosse bête inconnue traversant le carbet à mes pieds (le problème de prendre sa douche sans lunettes !). Ainsi, en ouvrant le rideau de douche, nous tombions donc droit sur un bosquet de fleurs visité régulièrement par un colibri. Faire de ces douches un affut était donc trop tentant !

Très vite, Anaïs a donc pris possession des lieux pour traquer chaque jour le colibri. Voici donc le mode opératoire bien rodé par notre photographe. Son appareil photo (objectif 500 mm) bien stable sur son trépied, il s’agissait tout d’abord de choisir une fleur de profil bien exposée au soleil et de préparer minutieusement son cadrage et ses réglages (en privilégiant au maximum un temps de pose plutôt court, quand l’on sait que ces oiseaux atteignent 80 battements d’ailes par secondes). Ensuite, il fallait tirer le rideau de douche de manière à laisser une fine ouverture pour l’objectif. Anaïs branchait ensuite une télécommande sur le déclencheur, de manière à pouvoir prendre une photo rapidement sans bouger le cadrage, et surtout pour pouvoir faire une série de clichés en mode « mitraillage » (non, ne cherchez pas ce mode dans vos appareils photos, mais vous m’avez compris !). Bien assise sur une chaise placée devant l’appareil photo, la télécommande en main, il ne restait plus qu’à tendre l’oreille pour capter le bourdonnement d’ailes annonciateur de l’arrivée du colibri.

Au départ, l’oiseau-mouche faisait régulièrement toutes les fleurs du bosquet, sauf celle cadrée par Anaïs. Jusqu’à ce que je lui fasse remarquer que la fleur qu’elle avait choisie était encore fermée (oui, je balance, mais c’est le dernier post) ! Une fois une autre fleur choisie, une longue attente a commencé, plusieurs jours de suite. Une attente à moitié payante, car le colibri est parfois passé dans le cadre, mais soit trop rapidement pour qu’il soit présent sur la photo, soit offrant des photos encore bien perfectibles. Parfois, le cadrage était trop serré, avec une aile sortant du cadre. D’autres fois, l’animal ne montrait pas vraiment son meilleur profil. Avec une telle vitesse, même en mitraillant, il était bien difficile d’avoir le moment exact où l’oiseau se présente face à la fleur. Un autre gros souci fut la mise au point. En effet, pas le temps pour la photographe de toucher à la mise au point lorsque l’oiseau se présente. Il fallait obligatoirement faire ces réglages avant son arrivée, donc estimer le plus précisément possible où seront les yeux du colibri lorsqu’il butinera cette fleur.

Si les échecs ont été nombreux, chaque photo loupée permit de perfectionner la technique, diminuant le temps de pose, prenant un cadrage plus large, ajustant la mise au point, etc. Et surtout, chaque séance permit de préciser l’heure exacte où les conditions étaient les plus propices, que ce soit au niveau de la lumière ou des habitudes du colibri. Ainsi, chaque jour de marche en forêt était interrompue en fin d’après-midi par la phrase quotidienne d’Anaïs : « Bon, il va falloir que je rentre au carbet pour le colibri ». Autant dire que l’on a finit par être passablement agacé par ce colibri écourtant les balades d’Anaïs… Les séances photos se suivaient et se ressemblaient donc, Anaïs ayant pris ses petites habitudes : une petite demi-heure d’attente devant l’appareil, suivie par une douche entrecoupée par de multiples bonds sur la télécommande au moindre bourdonnement suspect. Et oui, certaines photos de colibris ont donc été faites dans le plus simple appareil ! Quand on nous dit qu’il faut prendre des photos les plus naturelles possibles, je ne suis pas sûr que l’on parle bien de cela…

Ainsi, chaque série de colibri offrait des résultats chaque jour meilleurs, donnant ce genre de photo. Mais nous souhaitions en vain avoir une photo de l’oiseau face à la fleur, et non le bec enfourné dedans.  Jusqu’à cette photo présentée aujourd’hui, où tout y était : lumière, position du colibri, cadrage, mise au point. Tout ? Pas vraiment. Anaïs ayant comme caractéristique de ne jamais être totalement contente de ses photos, elle regrette une aile légèrement coupée (« mais de si peu », crie son assistant !) par le cadre. Elle repartie donc les jours suivants pour des douches-photographiques, mais finalement sans obtenir mieux que ce cliché durant les derniers jours de notre séjour.

Tant de détermination, de patience, et d’heures passées sur ce colibri ont donc finalement permis de vous proposer cette photo. Un cliché qui a ainsi amplement mérité de conclure en beauté ce « Mois de la Guyane ». Après un tel final, il ne me restera plus qu’à tourner la dernière page de ce mois un peu spécial, dés demain.

Yann

4 Comments

  1. Audrey 17 octobre 2009

    D’accord pour l’aile mais franchement le boulot se voit ! Très beau cliché !

  2. Marion 18 octobre 2009

    J’avoue, le coup de l’aile doit être super rageant, connaissant ton perfectionnisme Anaïs… mais la photo est quand même rudement belle et quand on connait les à-côté, elle prend encore plus d’ampleur. Super la technique d’affut (plus dure à utiliser dans les rues de Paris pour photographier les pigeons) ! Très bon choix dc pour cet avant-dernier post (déjà ?) …

  3. Eve 6 novembre 2009

    C’est pas le mode rafale dont tu voulais parler ? En tout cas, bravo pour la persévérance !

  4. Nisnis 25 novembre 2009

    En effet, quand Yann dit que je mitraille, c’est bien avec mon mode rafale… 😀

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