Bzzz…
Abeilles à identifier…
Peut-être le post d’hier a-t-il fini de convaincre certains que la Guyane, ce n’était pas pour eux. Trop de bestioles dangereuses, entre les gigantesques mygales et les serpents au venin mortel. Le mythe d’un gigantesque enfer vert où l’on risque sa vie à tout moment dans une nature hostile a décidemment la vie dure. Alors, dangereuse la jungle ?
Je vous parlais hier du venin des mygales. Comme vous avez pu le constater, il n’y a vraiment pas de quoi en faire un plat. A part dans le cas d’une allergie sérieuse, les morsures ne présentent pas de réel danger vital. En rappelant de surcroit que ce sont en général des animaux assez tranquilles si on ne les taquine pas. Les Guyanais les acceptent même pour la plupart dans leur maison, avec la paisible « Matoutou », qui sert de bombe anti-insectes. En réalité, la plupart des cas d’envenimations par des mygales ont eu lieu lors d’une tentative de manipulation de l’animal. Quand on cherche, on trouve… D’autres araignées peuvent être toutefois plus à craindre, celles que l’on appelle les « araignées vraies », ou labidognathes (crochets à venin « latéraux »). Certaines de ces espèces peuvent être assez agressives, comme les lycoses, causant une forte douleur mais sans autre conséquence qu’une plaie parfois infectée. Notons tout de même les veuves noires, à la réputation sulfureuse. Ces minuscules araignées (entre 3 et 16 millimètres) ne causent pourtant que peu d’envenimations, et qui ne sont mortelles que dans moins de 5% des cas. En Guyane, seuls quelques individus ont déjà été repérés, mais aucune morsure n’a jamais été à déplorer.
Ainsi, il n’y a pas grand-chose à craindre des mygales. Même si une morsure est loin d’être agréable, on n’y risque pas vraiment sa peau. Mais pour avoir un peu une idée un peu plus précise de la proportion des attaques de ces animaux, je me suis basé sur un article scientifique paru il y a quelques années, intitulé : « Agressions par la faune en Guyane Française, analyse rétrospective sur quatre ans ». Les auteurs se sont basés sur les appels au SAMU en Guyane, de 1998 à 2001. Au final, moins de 1% de ces appels concernaient une agression par la faune, soit 666 victimes (sans gravité dans près de 90% des cas). Parmi celles-ci, seules 7 avaient été victimes d’araignées (dont trois mygales). Tout de suite, ça relativise un peu les crises d’arachnophobie, non ?
Selon cette étude, un autre arachnide cause ainsi dix fois plus de cas que les araignées : il s’agit des scorpions. Ou plus précisément d’un scorpion : Tityus cambridgei. Parmi les 18 espèces de scorpions vivant en Guyane, c’est la seule pouvant causer une envenimation réellement grave. Autant dire qu’il ne faut vraiment pas avoir de chance… Bon, en même temps, le seul scorpion que nous avons croisé cet été, c’était justement Tityus cambridgei ! En général, le principal symptôme est une douleur particulièrement vive, qui peux entrainer des complications chez des sujets fragiles. En Guyane, seul un décès à ce jour est imputable aux scorpions.
Après les scorpions et les araignées, je ne pouvais pas passer à coté d’une autre grande phobie : les serpents, qui représentent 15% des appels liés à la faune. Pour une bonne centaine d’espèces connues en Guyane, seulement 12 peuvent présenter un danger d’envenimation. Et dans la grande majorité des cas, une espèce particulière en est la cause : le grage petits-carreaux. Assez commun et particulièrement agressif, son venin peut s’avérer mortel si aucun traitement médical n’est effectué rapidement. Cette espèce est le serpent que nous avons le plus fréquemment rencontré durant nos différents séjours, profitant de la chaleur de la route à la tombée de la nuit. Citons aussi son cousin, le grage grands-carreaux, beaucoup plus rare. D’une longueur dépassant parfois les trois mètres, il est aussi surnommé « le maître de la brousse ». Tout est dit… Son venin cause sans doute les cas les plus graves d’envenimations. Notons tout de même la présence en Guyane de serpents corails, dont les belles couleurs vives sont connues comme signe de danger. Toutefois, sa réputation est un peu exagérée. Si son venin est très puissant, l’animal est d’un naturel particulièrement paisible. En Guyane, tous les cas de morsures étaient dus à une manipulation volontaire, sans séquelles particulières par la suite.
Un petit mot encore sur les serpents, pour ceux que je n’aurais pas convaincus. En général, les serpents évitent l’Homme à tout prix. Il faut donc vraiment le vouloir pour se faire mordre, à moins de poser le pied sur un serpent au sommeil profond ! En cas de morsure, seulement la moitié provoque une envenimation. Pour l’autre moitié des cas, la morsure est dite « sèche », c’est-à-dire que le serpent n’injecte pas son venin. Cela limite donc les risques par deux ! Enfin, on compte entre un et dix cas par ans (selon les années) de décès par morsure de serpent en France métropolitaine. En Guyane, seuls trois décès ont en lieu depuis 30 ans… Evidemment, le nombre d’habitant n’est pas le même, mais nous sommes tout de même loin de l’image d’une jungle grouillante et dangereuse.
Mais revenons à notre étude. Si les serpents ne causent pas tant de victimes que cela, encore moins pour les scorpions, sans parler des araignées, presque anecdotiques ; d’où viennent ces 666 agressions par la faune en quatre ans? Si les attaques de chiens errants ne sont pas négligeables (15% des cas), le haut de la liste des espèces attaquant l’Homme est tenu par les hyménoptères volants. Autrement dit, les abeilles et les guêpes, avec plus d’un tiers des appels. Et ça, ça vous démystifie la jungle amazonienne en moins de deux. Car le seul décès recensé pour ces quatre ans étudiés n’était pas du à un terrible serpent, une charge de tapir ou l’attaque sauvage d’un puma, mais bien à de nombreuses piqures d’abeilles chez un jeune garçon. Et de plus, ces abeilles ne sont même pas des espèces locales. Il s’agit en fait des fameuses « abeilles tueuses » particulièrement agressives, originaires d’Afrique et importées sur le continent américain il y a quelques dizaines d’années. D’où le lien avec la photo du jour ! Cependant, celles immortalisées par Anaïs n’étaient sans doute pas ces abeilles africaines (ces dernières ne fréquentent que très rarement la forêt primaire). Pour une raison inconnue de nous, celles-ci formaient un essaim compact et surtout particulièrement sonore. C’est ainsi ces petites bêtes qui sont responsables du plus grand nombre d’envenimations en Guyane, dans « L’enfer vert ». Serpents, mygales ou fauves sont donc bien loin de l’image que bon nombre de citadins se font. Par contre, une foule d’animaux ne payant pas de mine au premier abord, sont parfois à éviter. Je terminerai donc demain sur les animaux venimeux, en vous montrant que souvent, il ne faut pas se fier aux apparences.
Yann
Merci pour ce post rassurant ! J’hésite UN PEU moins à aller en Guyane maintenant ^^
Attends le post de demain avant de dire ça! ^^
Et j’oubliais : puisque Marion demandait les sources d’informations pour les articles, ici je me suis donc servi d’une étude publiée dans la revue de médecine tropicale, accessible ici: http://www.revuemedecinetropicale.com/069-073_-_ao_-_mimeau.pdf
Et je me suis aussi bcp inspiré du bouquin « Animaux venimeux de Guyane présentant un risque pour l’Homme », de Christian Marty aux éditions Crestig.
Voila voila!
Ha ben merci pour les sources ^^. au fait Anaïs j’aime bien cette photo : bel équilibre des formes et des couleurs !!