Clic-clac
Pluvier d’Azara (Charadrius collaris)
Depuis quelques jours, vous m’avez laissé disserter sur des questions environnementales ou politiques, en laissant tomber au passage la photographie. Je tente donc aujourd’hui de rattraper tout cela en vous proposant un sujet sur les bases (très) élémentaires de la photographie animalière, genre aux spécificités propres. Photographe confirmé, passe donc ton chemin !
La photographie animalière se pratique selon trois grandes méthodes d’approche. Tout d’abord, ce que l’on appelle communément la « chasse photographique », ou encore la « billebaude », que pratique Anaïs pour la grande majorité de ses photos. Il s’agit simplement de partir en balade l’appareil à la main, sans chercher plus particulièrement une espèce qu’une autre. La chance n’est pas toujours au rendez-vous, et cette méthode joue particulièrement sur le hasard des rencontres. Pour augmenter les chances de s’approcher d’une espèce intéressante, les puristes utilisent une armada de camouflages pour passer inaperçu (camo 3D reproduisant la végétation, vêtements sans odeurs corporelles ou artificielles, etc.). De notre coté, nous partons seulement avec des vêtements aux couleurs peu voyantes. On voit surement moins de choses, mais au moins, on profite aussi de la balade ! Malgré ses airs de simplicité, la chasse photo demande au photographe d’être avant tout un excellent naturaliste. Reconnaitre le chant d’un oiseau intéressant, repérer les passages de gros mammifères, savoir si la bête arrêtée devant soi est sensible aux mouvements, au bruit ou à l’odeur, et surtout, avoir l’œil ! Sur ce dernier point, nous nous complétons plutôt bien avec Anaïs. Alors que mes yeux sont habitués à repérer tous mammifères bougeant dans les fourrés et surtout n’importe quel petit piaf passant au dessus de ma tête (ornithologue amateur depuis tout petit), Anaïs ne loupe jamais la grenouille, le serpent ou le petit insecte sur lesquels j’allais immanquablement poser ma semelle. S’il est vrai qu’être tout seul en chasse photo permet d’approcher bien plus facilement bon nombre d’espèces, être à deux permet aussi de voir plus de choses, et surtout de transmettre sa vision à l’autre. Si ce n’est pas votre truc, ne désespérez pas, l’observation, ça se travaille ! Notez enfin que cette technique photo demande une grande capacité à réagir au quart de tour. Le photographe n’a souvent que quelques secondes pour faire tous ses réglages, choisir son cadrage, et appuyer sur le déclencheur.
Du temps, on en a bien plus pour la seconde méthode, celle de l’affut photographique. Ici aussi, les connaissances de la faune doivent être parfaites, sauf que l’on choisit ici l’espèce que l’on souhaite photographier. Dans la plupart des cas, on repère le nid, terrier ou lieu de passage de l’animal, puis l’on monte à proximité une structure pour camoufler intégralement le photographe et son matériel. Et l’on attend. Souvent longtemps. Ce qui laisse par contre beaucoup plus de temps pour faire ses réglages, gérer sa lumière et choisir un cadrage original. Nous n’avons pas encore vraiment testé d’affuts avec Anaïs, plus par manque de temps et de patience qu’autre chose (sauf pour une photo en Guyane avec un affut très spécial, mais ce sera la surprise du dernier post !). Peut-être bientôt ! Enfin, la dernière technique est celle du piège photographique, un peu plus marginale car demandant beaucoup de matériel souvent onéreux. Il s’agit en général d’un système de détection infrarouge déclenchant la prise de vue lorsqu’un animal passe devant l’appareil. Encore une fois, il faut là aussi une bonne connaissance naturaliste, pour deviner les habitudes des animaux. Cette technique est aussi utile pour certaines photos d’animaux en plein vol (oiseaux ou chauve-souris), un système avec flash permettant de saisir l’instant exact où l’animal passe devant l’objectif.
Connaissance de la faune et vitesse d’exécution sont donc les maitres mots. Mais une fois l’animal devant vous, quelques règles de prise de vue sont souvent à respecter – ou à s’affranchir le cas échéant !
Tout d’abord une remarque qui pourra paraitre bien inutile pour tout photographe qui se respecte : on évite par-dessus tout les zones « cramées » (zones surexposées entièrement blanches). Comme dans toute photo me direz-vous. Sauf qu’en animalier, respecter cette règle est bien plus difficile que dans la plupart des autres genres photographiques. En studio, pour de la photo de nu par exemple, vous choisissez vous-même votre lumière. En pleine nature, vous n’aurez que quelques secondes pour vous adapter tant bien que mal à une luminosité à chaque fois nouvelle. De plus, comme vous le voyez sur la photo du jour, certains animaux ont la bonne idée d’arborer des couleurs sombres tranchant avec un blanc éclatant. Un fond clair en arrière plan n’arrange rien (en forêt, tout sujet en hauteur pose l’éternel problème du ciel perçant à travers le feuillage). Pour cette photo, vous voyez qu’Anaïs a du sous-exposer son cliché pour avoir les détails sur le poitrail de ces limicoles observés sur la plage de Rémire-Montjoly.
Autre règle universelle pour la photographie mais s’adaptant tout particulièrement au genre animalier : le cadrage, avec la règle des tiers. Si vous touchez un peu à la photographie, vous devez connaître cette fameuse règle qui impose de composer sa photo selon les lignes de forces et les quatre points d’intersections en résultant. En gros, vous tracez deux lignes verticales découpant votre image en trois tiers égaux, et faites de même horizontalement. Les intersections étant donc les points forts de l’image, où vous devrez placer vos éléments importants. Comme rien ne vaut une bonne illustration plutôt qu’un long discours, voici pour vous ! Vous voyez ici que le corps de la dendrobate est situé le long d’une ligne de force, sa tête étant sur un point d’intersection, de même que le têtard qu’elle porte sur son dos. Avec un « mauvais » cadrage ne respectant pas cette règle des tiers, on voit tout de suite que quelque chose cloche. Cela peut paraitre un peu compliqué lorsque l’on débute, mais en réalité ce type de cadrage est juste naturel. Je ne pense pas qu’Anaïs trace des lignes dans sa tête à chaque photo, pourtant si vous jetez un coup d’œil sur ses clichés, vous verrez que la plupart des sujets sont placés sur un point de force (la moucherolle, l’anolis…), comme ces deux oiseaux aujourd’hui. A noter que casser cette règle peut être très intéressant pour certains sujets, offrant un cadrage original (fourmi atta, feuille, etc.).
Mais maintenant que vous savez où sont ces points importants dans votre cadre, sur lequel placer l’animal ? Ici, la règle est simple : on laisse de l’espace dans la direction où regarde l’animal. Si votre animal est de profil, tourné vers la droite, les yeux regardant en l’air, vous le collerez dans le coin en bas à gauche de votre cadre. Illustration logique donc avec la photo du jour. Un autre exemple tout de même avec une même photo (re-)cadrée correctement et cadrée à l’encontre de cette règle. Ici aussi, on se rend bien compte que cela ne marche pas. Cependant, quelques exceptions donnent parfois une touche plus originale à la photo, comme pour le cliché du toucanet koulik.
Une autre spécificité du cadrage en animalier, qui tombe sous le sens : on ne coupe pas son sujet. Imaginez un cliché de lion prenant le soleil dans l’herbe, avec juste le bout de la queue hors-cadre. Le genre de détail qui vous ruine une photo. J’avais évoqué dans un autre post le cas d’un envol d’urubu avec un bout d’aile coupé. Dommage, mais la photo n’est pas exploitable. Dans le cas où vous voulez cadrer un détail de l’animal (donc le couper), c’est souvent un vrai casse-tête. Pour ceux qui ont déjà fait des portraits (en photo ou en vidéo d’ailleurs), même si des types de plan existent (plan américain, en pied, poitrine…), on n’est parfois pas toujours sûr de l’endroit exact où placer le cadre. Alors pour le cas d’une grenouille ou d’un insecte, le choix est encore moins évident, et il n’y a pas vraiment de règles que l’on pourrait suivre. C’est à vous de prendre des risques !
Enfin, dernière règle immuable (ou presque) de la photographie animalière, la mise au point doit toujours se faire sur les yeux. Ne me demandez pas pourquoi ce ne sont pas les narines ou les oreilles, c’est comme ça et pas autrement, surtout en macro où la profondeur de champ est souvent faible. S’affranchir de cette règle est possible mais dans très peu de cas cependant. A noter aussi que l’on essaye de se placer à hauteur des yeux de l’animal, du moins en évitant une plongée ou contre plongée trop importante. Si pour éviter qu’une petite grenouille paraisse « écrasée » sur un cliché, il faut s’affaler dans la boue ; le problème est insoluble pour les oiseaux perchés en haut de la cime d’un arbre…
Toutes ces règles peuvent sembler contraignantes, surtout à prendre en compte en quelques secondes seulement. Cependant, elles s’appliquent souvent d’instinct sur le moment, comme une évidence. De plus, elles offrent souvent une sécurité au manque d’inspiration possible sur un sujet difficile. Mais, s’en affranchir peut aussi offrir des clichés des plus originaux, avec le plaisir de la petite prise de risques en plus. Alors, à vos appareils !
Yann
En effet, la photo du jour est un peu sous-exposée dc un peu terne mais ça donne une ambiance aussi… Merci pour ces petites révisions Yann. Ca fait longtemps que je n’ai pas fait de photo… le déclencheur me démange…
Tous est dit dans ce post, et rien ne manque … sauf peut-être sur la mesure spot pour éviter le cramage et sur le choix des collimateurs pour l’autofocus …. deux sujets dont je parle mais que je ne maîtrise absolument pas ! Et ce n’est qu’après une maîtrise de ces principes de base que l’on peut tenter de s’en affranchir …
Cdt,
Jma
Perso je n’utilise pas d’AF donc un réglage en moins à faire (enfin si mais manuel… :D). Pour la mesure du spot, il faut que je vérifie mais je pense être en mesure totale….
Salut,
En tombant par hasard sur ce blog de photos plus sympathiques les que les autres, je suis tombée sur quelques photos d’oiseaux.
Et pour celui-ci, je dirais qu’il s’apparente davantage à un gravelot qu’à un pluvier. Sur le site du muséum d’histoire naturelle, il semble le nommer en effet gravelot d’Azara et idem sur oiseaux.net (voir sources : http://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/441751 ou http://www.oiseaux.net/oiseaux/photos/gravelot.d.azara.html).
Pour le pouillot (a priori, voire éventuellement fauvette) plus loin, je cherche encore mais dès que je peux confirmer, je te remettrai un post sous la photo concernée !
J’ai noté que tu résidais visiblement sur Paris, as-tu un club photo éventuellement à recommander ?!
Bonne continuation photographique 🙂
Merci pour toutes ces précisions!
Malheureusement, je ne fais parti d’aucun club photo… Mais si tu veux on peut se rencontrer pour en parler…. =)
Encore merci